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Stage Cameraria

Stage de spécialisation, INRA Centre d'Orléans, novembre 2005 
 
Possibilités de lutte contre la mineuse du marronnier, Cameraria ohridella (LEPIDOPTERA : Gracillariidae) : étude de la diversité et de la phénologie des parasitoïdes chalcidiens de deux sites français  
 
----- Introduction ----- 
 
Cameraria ohridella est un lépidoptère de la famille des Gracillariidae. Espèce invasive en Europe, elle s’attaque principalement au marronnier d’Inde (Aesculus hippocastanum), mais d’autres espèces de marroniers ainsi que des érables (Acer platanoïdes, Acer pseudoplatanus en Europe occidentale) permettent son développement. Sa chenille mine les feuilles, causant un brunissement et souvent une chute prématurée de celles-ci, lorsque les attaques sont élevées. Ces dégâts n’entraînent pas de mortalité chez les arbres, mais peuvent les affaiblir si une défoliation se répète pendant plusieurs années consécutives, et posent un problème évident d’esthétique, notamment pour les parcs urbains et les arbres d’alignement. 
 
L’origine de la mineuse est inconnue, malgré d’importantes recherches dans le monde (Grabenweger & Grill 2000). Elle a été découverte en Macédoine en 1984 (Deschka & Dimic 1986), et se propage rapidement de manière concentrique dans toute l’Europe (Sefrova & Lastuvka 2001) (voir cartes 1 et 2 ci-contre). Aucun signe de déclin de l’espèce n’est observé, même dans les régions où elle est installée depuis longtemps (Freise et al. 2002, Grabenweger et al. 2004). 
 
La détermination de l’aire d’origine du ravageur est importante, car elle permettrait d’y rechercher des ennemis naturels utilisables en lutte biologique. En effet, aucun moyen de lutte efficace n’a encore été trouvé contre cet insecte. La méthode donnant les meilleurs résultats est le ramassage et le compostage (voire l’incinération) de la litière, où hibernent les chrysalides de la mineuse. Mais ces actions sont souvent difficile à réaliser sur le terrain, et la recolonisation des sites par des sources extérieures est très rapide (Gilbert et al. 2003). Le piégeage au moyen de phéromones permet de suivre la dynamique des populations, mais n’est pas utilisable pour mener une lutte à grande échelle (Lethmayer et al. 2003). Un traitement chimique avec un insecticide homologué est possible (Mertelik 1999, Lohrer et al. 2000), mais très coûteux. De plus, il serait accompagné de conséquences environnementales non négligeables. Enfin, les ennemis naturels restent une possibilité intéressante de contrôle (Grabenweger et al. 2005a). 
 
Le projet européen "CONTROCAM" (Janvier 2001 – Décembre 2004) a rassemblé 8 partenaires : INRA (France), TUMUC (Allemagne), CSIOCB (République tchèque), CABI (Suisse), UBW (Autriche), UBERN (Suisse), UTRS (Italie), TEIK (Grèce). Le responsable du groupe allemand Werner Heitland était le coordinateur de ce projet.  
 
Les principaux objectifs de ce projet multidisciplinaire étaient les suivants : 
 évaluer l'impact de cet insecte sur les marronniers, en milieu urbain et naturel.  
 développer une approche intégrée pour la lutte contre cette mineuse.  
 
Le travail a été divisé en 6 tâches : 
1° Ecologie de C. ohridella, spectre de plantes hôtes, impacts sur les marronniers en milieu rural et urbain dans les Balkans, risques pour les espèces de marronnier, identification et synthèse de la phéromone sexuelle. 
2° Contrôle utilisant la phéromone sexuelle : piégeage de masse, confusion sexuelle. 
3° Détermination de l’aire d’origine de la mineuse, et des facteurs de mortalité qui permettent leur maintien à de faibles populations dans cette région. Potentiel d’utilisation d’ennemis naturels indigènes ou exotiques. 
4° Amélioration des méthodes culturales, estimation des risques basée sur une modélisation. 
5° Epidémiologie et dispersion de la mineuse en France, dans les zones limites de son expansion. 
6° Synthèse, information, résultats. 
 
L’équipe de l’unité de Zoologie Forestière de l’INRA d’Orléans, menée par Sylvie Augustin, s’est intéressée à l’étude de la distribution et de l’expansion de la mineuse et à sa modélisation (tâche 5). Elle a également contribué aux recherches sur les ennemis naturels (tâche 3), notamment la présence d’insectes parasitoïdes de C. ohridella en France, et des possibilités de contrôle biologique utilisant ces insectes. 
 
----- Stage ----- 
 
L’expansion de Cameraria ohridella en Europe est extrêmement rapide. En effet, sa progression est en moyenne de trente kilomètres par an (Augustin et al. 2003), et a été estimée dans certaines régions au double (Sefrova & Lastuvka 2001). Des modèles d’analyse spatiale mettent en évidence un mode de dispersion stratifié de la mineuse, comprenant des déplacements à courtes distances (vol) et à longues distances (transport par les véhicules et par le vent) (Sefrova & Lastuvka 2001, Gilbert et al. 2004, 2005). 
 
Le succès d’établissement de C. ohridella est lié à trois facteurs principaux (Gilbert et al. 2005). 
1) Son fort taux de développement : 3 à 5 générations par an, multiplication des effectifs par dix à chaque génération (Sefrova & Lastuvka 2001). 
2) Sa dynamique de dispersion source - puits, permettant le maintien de grandes populations (Gilbert et al. 2004). 
3) L’inefficacité du contrôle par les ennemis naturels. 
Ce travail s’intéresse en particulier à ce dernier point. 
 
Le plus souvent, les mineuses introduites sont rapidement contrôlées par les parasitoïdes naturels natifs. Par exemple, l’étude du recrutement de deux espèces mineuses invasives au Royaume-Uni, Phyllonorycter leucographella et P. platani, a mis en évidence un taux de parasitisme de respectivement 56% et 37% après moins de dix années de présence des ravageurs (Godfray et al. 1995). La plupart des parasitoïdes recensés étaient des Chalcidoïdes de la famille des Eulophidae. 
Les mineuses connaissent un taux de parasitisme record chez les insectes (Hawkins 1994), la plupart des parasitoïdes étant polyphages de plusieurs genres et familles de mineuses (Askew 1994), et parfois même d’autres ordres d’insectes (Delucchi 1958). 
 
Néanmoins, les mécanismes naturels de régulation ne semblent pas avoir d’impacts sur l’expansion de C. ohridella (Grabenweger 2004, Grabenweger et al. 2005b). Outre un faible contrôle par les prédateurs (oiseaux, araignées, insectes entomophages) (Grabenweger et al. 2005b), si beaucoup d’espèces de parasitoïdes ont été identifiées sur C. ohridella, le taux de parasitisme est cependant assez faible (Freise et al. 2002, Grabenweger 2003). Ils ont dès lors un impact limité sur les populations de la mineuse (Grabenweger 2004). Comprendre les raisons de ce manque de succès est primordial pour l’utilisation de parasitoïdes indigènes pour le contrôle du ravageur. 
 
Des études sont en cours sur l’impact des parasitoïdes européens sur C. ohridella, et les possibilités de lutte biologique grâce à ces espèces. Pour ce faire, les complexes de parasitoïdes de la mineuse ainsi que leur taux de parasitisme ont été déterminés dans différentes régions (Macédoine et Serbie : Freise et al. 2002, Autriche, Slovaquie et Slovénie : Volter & Kenis (soumis), Autriche : Grabenweger & Lethmayer 1999, Grabenweger 2003, 2004, Balkans : Grabenweger et al. 2005c, Suisse : Girardoz et al. 2006, Italie : Lupi 2005). 
 
L’équipe de l’INRA d’Orléans a étudié, de 2001 à 2004, les complexes de parasitoïdes de C. ohridella dans le sud et le centre de la France, afin de les comparer avec ceux observés dans d’autres régions d’Europe. Une expérience a ensuite été initiée en 2005 pour mieux connaître la diversité et la phénologie des parasitoïdes, en vue de réaliser dans le futur des enrichissements du milieu en parasitoïdes. C’est dans le cadre de celle-ci que le stage a été réalisé. Nous nous sommes principalement concentrés sur les espèces appartenant à la famille des chalcidiens, car ceux-ci représentent la grande majorité des ennemis naturels parasitoïdes de C. ohridella. 
 
Matériel & Méthodes 
 
Des feuilles attaquées en 2004 par la mineuse ont été récoltées pendant l’hiver 2004/2005 sur deux sites, l’un situé dans le sud de la France à Le Castellet (83) et l’autre en Région Centre, à Mézières (45) (voir carte 3). Ces feuilles ont été conservées à l’extérieur dans des sacs en plastique. Au début du printemps 2005, des feuilles ont été transférées dans de grandes poubelles d’une contenance de 200 litres (5kg de feuilles par poubelle, 5 poubelles par site). Ces poubelles sont percées de 4 ouvertures équipées d’un dispositif permettant de récupérer les parasites (voir figure 1) et mineuses émergées. Le dispositif est constitué d’un entonnoir et de deux boites cylindriques : l’entonnoir permet la sortie des insectes des poubelles et les empêche de revenir en arrière, l’extrémité de la première boite est recouverte d’une toile avec des mailles de 700 microns ne laissant passer que les parasitoïdes, C. ohridella ne passant qu’à travers des mailles de minimum 800 microns. Le contenu des boites a été transféré chaque semaine (du 21/4 au 23/6) dans l’alcool, et le tout conservé au frigo jusqu’en novembre pour les comptages et identifications. 
 
Le travail effectué au cours du stage a consisté, pour chaque prélèvement, à trier et compter sous la loupe binoculaire les adultes de C. ohridella, éliminer les autres invertébrés et les insectes non parasitoïdes, séparer les hyménoptères chalcidiens des autres insectes parasitoïdes, puis les identifier et les compter et enfin les isoler dans de petits tubes.  
 
L’identification a été réalisée à l’aide de la clé de détermination réalisée par G.Grabenweger : A key to the parasitoïds of Cameraria ohridella (Lepidoptera, Gracillariidae), 2003, CD-ROM. 
 
Résultats 
 
Nature du complexe parasitaire  
Les hyménoptères chalcidiens constituent la majorité des parasitoïdes de C. ohridella (tableau 2).  
Des braconides et ichneumonides ont également été rencontrés dans les relevés, mais ne constituent que 122 individus sur 5.627 parasitoïdes rencontrés, soit seulement 2% des effectifs. 
Douze espèces chalcidiennes ont été identifiées lors du dépouillement des flacons. Neuf de ces espèces avaient déjà été rencontrées dans les dissections de mines effectuées en 2003, sur des feuilles provenant de sites proches (Augustin et al. 2003). Ces parasitoïdes sont généralistes, et possèdent une répartition étendue en Europe, la plupart ayant été signalés par d’autres chercheurs. 
 
Abondance des espèces  
Environ 3.500 C. ohridella ont émergé des échantillons de Région Centre, accompagnés par 5.000 parasitoïdes (tableau 1, figure 2). Dans le site Sud, quelques 12.500 papillons et 400 parasitoïdes ont été comptés. Ces effectifs sont très dissemblables entre les deux sites. Un taux de parasitisme ne peut être déduit de ces résultats, car le nombre de chrysalides vivantes de chaque échantillon n’a pas été déterminé. La contribution des autres causes de mortalité est donc inconnue. Néanmoins, un nombre important de diptères Sciarides a émergé des échantillons du site Mézières. Les larves de ceux-ci se nourrissent de moisissures, et se retrouvent souvent dans la litière humide en décomposition. Il est dès lors possible que les échantillons de Région Centre aient été mal conservés. Mais cette hypothèse n’explique pas pourquoi les proportions relatives du nombre de parasitoïdes comptés dans les échantillons de Mézières (5088) par rapport au nombre total d’insectes émergés pour ce site (8527) sont si importantes (60%), et totalement incohérentes avec les taux de parasitisme rencontrés dans la littérature (3-21%).  
 
Les espèces dominantes dans le site Mézières (Région Centre) sont Pnigalio agraules (58% des chalcidiens), Minotetrastichus frontalis (28%) suivis de Pteromalus cf. semotus (8%). Pour le site méridional, Closterocerus trifasciatus est très présent (48%), de même que Pnigalio agraules (28%) et Pteromalus cf. semotus (8%). 
En comparaison, la dissection des mines réalisée en Région Centre en 2003 avait mis en évidence une forte présence de Minotetrastichus frontalis (75% des parasitoïdes identifiés). Elles avaient également souligné une forte prédominance de Pediobius saulius dans le site Sud, suivi de Pnigalio agraules, Cirrospilus talitzkii et Neochrysocharis chlorogaster. Ces estimations avaient été réalisées après dissection d’un nombre limité de mines et élevage des hôtes parasités. Une comparaison de ces deux méthodes de recensement est dès lors difficile. Néanmoins, il est probable que les abondances de Pediobius saulius et Cirrospilus talitzkii aient été sous-estimées dans la présente expérience, car les premiers individus de ces espèces ne sont apparus que dans les derniers relevés de l’expérience, alors que C. ohridella et la plupart des autres parasitoïdes avaient terminé leur émergence. Une prolongation de la durée de l’expérience aurait certainement permis une meilleure estimation des effectifs de ces deux espèces. 
Il faut également noter que les zones d’échantillonnage étudiées se situaient dans des environnements très différents. A Le Castellet, le site se trouvait en environnement urbain et était entouré de parterres de fleurs, pelouses et buissons. Le site de Mézières était en milieu forestier, en présence de chênes et d’autres essences forestières. Les espèces accompagnatrices sont donc très différentes entre les deux sites, et peuvent avoir un impact sur les complexes parasitaires obtenus via leur attractivité pour les parasitoïdes et leur capacité à héberger des mineuses indigènes.  
 
Phénologie 
L’émergence de C. ohridella dans les deux sites a eu lieu au même moment. L’apparition des premiers papillons a été observée dans le relevé du 5 mai, une sortie massive la semaine suivante et les dernières émergences dans les relevés du 2 et du 9 juin. La figure 3 illustre, en parallèle, les émergences des différentes espèces chalcidiennes dans les deux sites. Pour les échantillons de Mézières, les espèces dominantes, P. agraules et M. frontalis sont apparues avec les premiers papillons (pic le 5/5). Dans le site Sud, le pic de P. agraules se rapproche de celui de C. ohridella, tandis que C. trifasciatus sort une semaine après le maximum d’envol de la mineuse. 
 
Une bonne synchronisation entre la sortie des parasitoïdes et la disponibilité de leur hôte est essentielle. Or, les parasitoïdes de C. ohridella ne s’attaquent le plus souvent qu’aux derniers stades larvaires de la mineuse, les premiers présentant une ressource insuffisante de nourriture pour la larve de l’hyménoptère. Les premiers stades adéquats pour le parasitisme ne sont disponibles, en Autriche, qu’après minimum 4 à 5 semaines après l’émergence du lépidoptère, ce laps de temps comprenant deux semaines nécessaires à l’éclosion des œufs et 30 jours pour le développement de larves de dernier stade (Grabenweger 2003, 2004) (tableau 3). En France, le cycle peut être légèrement plus rapide grâce au climat plus chaud. La majorité des parasitoïdes devrait donc survivre un mois avant de pouvoir rencontrer des stades larvaires ou pupaux acceptables. 
 
La durée de vie de chalcidiens adultes varie de quelques jours à plusieurs mois (Bendel-Janssen 1977). Pour P. agraules, l’adulte peut vivre de 28 à 44 jours, pour M. frontalis, de 22 à 56 jours, et pour C. trifasciatus, de 12 à 20 jours (Kenis et al. 2004). 
Il est donc possible que certaines espèces survivent jusqu’à l’apparition de larves du dernier stade de la première génération annuelle de C. ohridella. Néanmoins, les chalcidiens de la famille des Eulophidae sont connus pour pondre rapidement leurs œufs après émergence (Pitcairn & Gutierrez 1992). Les parasitoïdes de C. ohridella étant polyphages, il est fort probable que ceux-ci aient déjà rencontré une certaine quantité d’hôtes potentiels infestant d’autres plantes. Les parasitoïdes attaquant la première génération de la mineuse au début de l’été ne sont dès lors probablement pas ceux qui ont émergé des mines au printemps. Ceci implique que la population de chalcidiens parasitant la première génération de C. ohridella part du même niveau bas chaque année, et pourrait expliquer pourquoi le niveau de parasitisme de cette espèce reste peu élevé. 
 
D’autres causes d’insuccès des parasitoïdes peuvent également agir. Les hyménoptères ne sont peut-être pas attirés par la mineuse, ou par le marronnier. En effet, il a été mis en évidence que les parasitoïdes cherchent d’abord un arbre hôte avant l’insecte à parasiter (Askew & Shaw 1974). Le marronnier étant une espèce pontoméditerranéenne hébergeant peu d’herbivores en général, il se peut que les parasitoïdes ne soient pas attirés par celui-ci (Kenis et al. 2004). Les larves de la mineuse peuvent également être protégées chimiquement par l’accumulation de métabolites produits par le marronnier (Sefrova & Lastuvka 2001). 
 
Potentialités des espèces rencontrées pour une application en lutte biologique 
Des facteurs importants influencent la probabilité que les parasitoïdes natifs puissent contrôler les ravageurs introduits (Pschorn-Walcher 1994). 
• L’existence d’espèces proches du ravageur dans la zone native des parasitoïdes. Phyllonorycter platani et P. robiniella sont des mineuses proches de C. ohridella. 
• L’existence de parasitoïdes du même genre que les parasitoïdes de l’aire d’origine du ravageur. Dans ce cas, l’aire d’origine de C. ohridella est inconnue. 
• L’existence dans la région d’infestation de parasitoïdes généralistes à amplitudes écologiques larges. La plupart des parasitoïdes sont polyphages. 
• Un parasitoïde natif peut devenir un ennemi naturel important du ravageur. Ce n’est pas encore le cas, mais une adaptation peut avoir lieu, comme, par exemple, une synchronisation de la phénologie du parasitoïdes sur celle de la mineuse. Néanmoins, ce processus peut prendre longtemps. 
• Des correspondances écologiques parasitoïdes – hôte peuvent favoriser leur rencontre (ex : partage d’une même plante hôte, phénologie). C. ohridella colonise une essence introduite n’hébergeant pas les hôtes habituels des parasitoïdes. 
 
Considérons à présent les principales espèces rencontrées dans les relevés. 
P. agraules est très nombreux dans les échantillons. En effet, cet hyménoptère est fréquent, se reproduit vite et se développe rapidement (11 jours en été selon Lethmayer et al. 2003), si bien qu’il peut parasiter plusieurs fois une même génération de C. ohridella. Néanmoins, il apparaît très tôt au printemps, et a besoin d’un hôte intermédiaire avant l’apparition de larves de dernier stade et de pupes de C. ohridella. Ce besoin constitue un « goulot d’étranglement » des populations de P. agraules en début de saison. 
M. frontalis est souvent un parasite secondaire grégaire (Lethmayer et al. 2003, Grabenweger 2003). Il a des difficultés à paralyser son hôte. D’après Grabenweger et al. 2005a, ce chalcidien a une dynamique densité négative. Son taux de parasitisme ne devrait donc pas augmenter lorsque les populations de C. ohridella augmentent. De plus, il apparaît également tôt dans la saison. 
C. trifasciatus sort également tôt d’hibernation, et semble avoir une durée de vie plus courte que les autres chalcidiens rencontrés (Lethmayer et al. 2003). Un hôte intermédiaire lui est donc indispensable avant l’attaque de la première génération de C. ohridella. 
P. saulius apparaît être un ennemi naturel de C. ohridella très intéressant. En effet, il émerge plus tard dans la saison. Il s’attaque principalement aux pupes. Cet insecte est plus abondant là où la mineuse est installée depuis plus longtemps, et semble s’adapter lentement à ce nouvel hôte (Grabenweger et al. 2005a). 
C. talitzkii apparaît également tardivement par rapport aux autres chalcidiens. Ce premier avantage se combine avec la constatation que cet hyménoptère était autrefois absent, et a connu une expansion récente vraisemblablement liée à l’invasion de C. ohridella (Grabenweger et al. 2005a). 
Ces deux dernières espèces constituent un véritable potentiel de lutte biologique contre la mineuse du marronnier.  
 
Parmi les espèces rencontrées lors de cette étude, P. saulius et C. talitzkii semblent être des hyménoptères très intéressants pour une régulation des populations de C. ohridella. Une de leurs principales qualités est leur émergence tardive en fin d’hibernation, par rapport aux autres chalcidiens parasitoïdes. Cette caractéristique pourrait leur permettre d’éviter la nécessité de trouver un hôte intermédiaire avant d’attaquer la première génération de la mineuse du marronnier. Des populations plus importantes de ces deux espèces pourraient alors se développer. Vu la progression du taux de parasitisme de P. saulius dans les sites infestés de C. ohridella depuis plusieurs années, il est possible qu’un décalage de la fenêtre phénologique de l’espèce par sélection ait abouti à une meilleure synchronisation avec le ravageur. 
Si les abondances de P. saulius et C. talitzkii n’ont pu être déterminées dans cette étude, les résultats des dissections de mines réalisées sur des sites proches en 2001, 2002 et 2003 indiquent l’importance notamment de P. saulius dans le site méridional. En revanche, les deux espèces n’ont pas été signalées en Région Centre, que ce soit dans les dissections ou dans la présente expérience. Si l’absence d’individus dans les échantillons ne signifie pas forcément que l’espèce soit absente du milieu étudié, l’on peut néanmoins suspecter que leur présence soit faible ou nulle. Une possibilité intéressante en lutte biologique serait un lâcher de P. saulius et C. talitzkii dans les sites où les espèces sont absentes. 
 
4. Conclusion et perspectives 
 
Les complexes d’hyménoptères chalcidiens s’attaquant à C. ohridella ont été déterminés pour deux sites français, en Région Centre et dans le sud de la France. Douze espèces ont été identifiées, dont trois dominantes : M. frontalis, P. agraules et C. trifasciatus. Les espèces semblant présenter le meilleur potentiel pour la lutte contre C. ohridella, P. saulius et C. talitzkii, n’ont pas été rencontrées dans les échantillons de Région Centre, et pourraient y être introduits par une expérience d’enrichissement en parasitoïdes, dans le cadre d’un programme de lutte biologique. 
Un problème de synchronisation phénologique semble être à l’origine de l’inefficacité du contrôle de C. ohridella par les chalcidiens parasitoïdes. Néanmoins, d’autres facteurs peuvent s’ajouter à celui-ci, notamment un problème de reconnaissance entre le parasitoïde et l’hôte ou la plante-hôte. Des études complémentaires pourraient être mises en place afin de mieux comprendre les interactions existant entre C. ohridella et ses hyménoptères parasitoïdes. 
Des études du complexe parasitaire et du taux de parasitisme dans les différentes générations de C. ohridella permettraient d’observer l’évolution du complexe au cours de la saison. De plus, des lâchers tardifs de parasitoïdes sur des larves de derniers stades de la mineuse seraient utiles, afin d’évaluer les taux de parasitisme en absence de problèmes phénologiques. P. agraules, notamment, présente de très bonnes qualités de parasitisme sur C. ohridella, mais est probablement maintenu à de bas effectifs par la faible disponibilité d’hôtes avant les larves de première génération de C. ohridella. Si ces taux devaient rester bas, l’on pourrait suspecter l’intervention d’un autre facteur limitant, comme la non-reconnaissance de l’arbre-hôte ou de la mineuse. 
Une comparaison des complexes parasitaires de C. ohridella infestant le marronnier ou l’érable pourrait également apporter une information intéressante concernant l’influence de la plante hôte sur les taux de parasitisme, et son attractivité pour les hyménoptères chalcidoïdes. 
Les complexes parasitaires de mineuses indigènes pourraient être déterminés et comparés avec ceux de C. ohridella. Enfin, l’invasion de C. ohridella entraîne une augmentation des populations d’hyménoptères parasitoïdes polyphages. Leurs impacts sur les mineuses indigènes devraient également être évalués, en termes de perte potentielle de biodiversité. 
 

 

(c) Sylvie La Spina - Créé à l'aide de Populus.
Modifié en dernier lieu le 17.09.2006